Hwang Mi Cha ♦ Nyan ~ [100%]

« Maman est morte sur scène. Toi, tu ne toucheras jamais à la scène de ta vie, je te l’interdis. »

Lorsqu’on pose un interdit à son enfant, bien souvent il n’est pas respecté, ou cela dépend de l’âge. Surtout si une tierce personne de son entourage l’a fait avant. Un enfant âgé d’une dizaine d’année, ne comprendra pas vraiment pourquoi on lui interdit quelque chose qu’il voyait sa mère ou la tierce personne exécuter quotidiennement. De même, si vous interdisez quelque chose, une passion qui lui coule dans les veines car retransmise par cette tierce personne, il y a de faibles chances pour que votre enfant respecte l’interdiction posée. Car cette passion devient dès lors que la personne meurt, une sorte d’héritage pour l’enfant.

Ce petit paragraphe pourrait résumer ta vie. Ta mère, ta chère et tendre mère, c’était une passionnée de la scène. Tu la voyais, tous les matins avant de partir à l’école, répéter devant son miroir. Une chanteuse lyrique. Elle mettait du cœur à l’ouvrage. Non. Elle y mettait toute sa vie. Elle vivait la scène. Elle ne vivait que pour ça. Maman, elle a toujours dit à Papa qu’elle voulait mourir sur scène. Papa riait bien évidemment de bon cœur à cela, mais s’il aurait su que ça allait réellement arriver… Car la scène, c’était le seul endroit où elle se sentait bien, la scène c’était sa bulle. Elle t’y faisait souvent entrer dans cette bulle, après l’école. Toi, innocente et naïve petite enfant, tu la regardais avec tes grands yeux. Et tu l’écoutais avec des oreilles grandes ouvertes. Elle te racontait les nouvelles et les anecdotes du jour. Du haut de ton jeune âge tu ne comprenais pas tout mais tu l’écoutais. Et tu riais avec elle, quand il fallait rire, de ton petit rire enfantin. Le plus souvent, elle chantait. Tu te souviens encore de sa voix , mélancolique, mélodieuse. Cette voix qui est restée gravée dans ton cœur, et sur des cd que tu gardes bien précieusement. Chanter, la libérait de tout. Alors tu l’écoutais et chaque fois, tu te laissais transporter par une salve de sentiments uniques. Des sentiments que tu retrouves maintenant quand sa voix résonne dans le casque de ton vieux baladeur…

Un jour, Maman a été retrouvée allongé sur la scène. Elle ne respirait plus, les yeux clos. Mais, un étrange sourire flottait sur ses lèvres. Elle est morte sur scène, comme elle l’avait souhaité. Terrassée  par une attaque cardiaque. Mais ça, tu étais trop jeune pour le comprendre. Papa, lui, l’avait compris. Et il rejetait la faute sur sa carrière. Son investissement dans son travail trop conséquent. Pour lui, Maman était morte à cause du travail. Cette idée ne la ramènerait pas malheureusement. Alors il fallait faire avec. Ou bien sans. Et il fallait maintenant te préserver. Papa ne supporterait pas qu’il t’arrive la même chose. Sauf que le virus de la scène était installé dans ton corps depuis bien longtemps…

Et plus tu grandissais, plus tu remarquais que concrétiser ton rêve serait chose difficile. Papa avait bien réfléchi avant de t’inscrire pour des cours de violon, car oui, c’était d’un instrument que tu voulais jouer. Mais tu n’avais rien lâché et finalement tu avais eu ce que tu voulais. Même si Papa était encore plein de réticences par rapport au fait que tu ne t’intéresse de trop près aux arts… Il avait encore en mémoire, le souvenir de ta mère morte trop tôt.

Bientôt, les cours de violon ne te suffisaient plus. Même si ta gentille professeur te disais très douée, tu te cherchais encore. Tu maîtrisais le violon presque sur le bout des doigts, il te fallait autre chose. Et l’étincelle qui te manquait se déclencha lorsque tu te plongeas dans un livre trouvé au grenier, dans les vieilles affaires de ta mère. Ce n’était pas un livre comme les autres, c’était le journal intime de ta mère. Là-dedans tu y découvrais pleins de petites anecdotes dont une qui allait rythmer toute ta vie : un rêve d’enfant abandonné, la danse. Pourtant tu ne l’avais jamais vu danser, mais en feuilletant les pages, tu comprenais très vite pourquoi : Maman était très sensible aux critiques et tout le monde l’avait dénigré sur ses pas de danse. Alors elle en était restée à la chanson. Et toi tu avais trouvé ton nouveau moteur : La danse. Et tu t’étais engagée toi-même, à ressusciter le rêve de ta maman. Pas besoin de cours pour ça ! Tu apprenais par-cœur les chorégraphies des idoles, comme si ça allait tout seul. Comme si tes talents n’avaient attendu qu’une occasion, qu’un électrochoc pour s’éveiller. La danse, toute ta vie. Tu n’abandonnais pas pour autant le violon, ton instrument de prédilection.

Simplement, tu n’avais rien dis à Papa sur ce sujet. Tu savais qu’il pouvait te mettre des bâtons dans les roues, tout ça à cause de la mort de Maman. Alors, il était hors de question que tu lui parles des auditions de Kirin ! Papa n’en saurait rien jusqu’à ce que tu sois retenue… ou pas. Evidemment, tu doutais quelque peu.

Tu t’étais fortement entraînée pour l’audition. Plus à la danse qu’au violon. Parce que tu comptais sur tes talents de danseuse pour décrocher cette audition. Même si c’est bien vrai que tu allais proposer un petit interlude de violon, tu te sentais mieux dans la danse. Chaque jour, pendant une ou deux heures, tu bossais à fond la chorégraphie que tu avais choisie. A l’abri des regards indiscrets bien entendu.

Et puis, le jour de l’audition arriva. Le stress accompagné d’une forte adrénaline monta d’un coup. Pour le chasser, tu travaillais une dernière fois tes pas de danse. Autant dire que tu n’avais pas choisis la facilité. « N°1598, c’est votre tour ! » Ton cœur ratait un battement alors que tu entrais dans la salle des auditions et que tu te présentais ainsi que ton programme. La musique de Billie Jean résonnait alors dans la pièce. Au premier pas de danse, le stress avait disparu. Tu faisais simplement comme d’habitude, tu mettais tout ton cœur à danser. Presque aucun faux pas. Les jurys semblaient apprécier tes mouvements travaillés et gracieux ainsi que ta souplesse. Toi, tu savais bien que tu avais encore du travail. Vint enfin pour clore ton audition, le morceau au violon. Et tu n’avais pas choisis n’importe lequel : C’était la mélodie sur laquelle ta mère chantait tout le temps. L’archet frottait les cordes. La mélodie t’envahissait et déterrait une mélancolie enfouie depuis longtemps. Les jurys ne voyaient que ta dextérité, heureusement. Tu retenais le chagrin dans ton cœur qui s’était éveillée. Ils ne te choisiraient pas si tu leur montrais ta grande sensibilité. A la fin du morceau, tu t’inclinais et tu sortais après avoir eu la permission.

C’était maintenant l’heure des résultats. Tu les avais attendus tout l’après-midi, alors que certains candidats étaient rentrés chez eux, ceux qui habitaient la province. Pendant cette longue attente, tu étais baignée dans l’incertitude complète. Tu ne savais pas quoi penser. Tu étais peut-être la seule dans ce cas-là. Les rares candidats avec qui tu avais discuté, étaient persuadés d’avoir fait, à chaque fois, la meilleure audition au monde. Ça y est, l’écran s’était allumé. Les visages des gens retenus allaient apparaître sur celui-ci. Au bout de cinq minutes, le tien était apparu. Tu te figeais pendant de longues secondes. Ce n’était pas possible ! Mais tu vérifiais le numéro sur l’écran puis celui sur ton haut : C’était le tien. Tu versais des larmes de joie puis, tu appelais ton père.

« Papa, j’ai été retenu aux auditions de Kirin. J’entre en section danse. Je veux ressusciter un rêve de Maman. Je le fais pour moi, pour Maman mais aussi pour que tu sois fier de moi. S’il te plait, sois fier de moi. »