Shinomiya Shiroyuki

Shiroyuki… Avec un prénom tel que celui-ci, traduction de la célèbre Blanche Neige, vous vous attendez à voir une jeune fille se comportant comme une vraie princesse, gentille, agréable et généreuse, pas vrai ? Mais bien sûr. La vie est un conte, et toutes les petites filles prénommées Aurore ou Blanche Neige sont des princesses !
Une fois que vous m'aurez rencontré, vous commencerez sérieusement à en douter. Premièrement, j'avoue être un véritable garçon manqué. Et si vous m’énervez bien comme il faut, ce n’est pas une gifle que vous recevrez, mais un magnifique crochet du droit… Voire un coup de pied en pleine tête.
Oh, certes, je n’ai pas que des défauts, heureusement pour moi ! Je serais tentée de dire que je suis même plutôt amusante, agréable à parler et peut-être même à voir. Seulement voilà. Pour tout vous dire, je suis également et surtout une emmerdeuse de première – excusez mon langage. Si jamais vous avez le malheur de lancer une réflexion sur ce que je dis ou fait, je boude. Oui, comme une gamine de dix ans, et ce malgré que j’en aie dix-sept. Ce n’est pas ma faute, c’est une sale habitude que j’ai pris ! Du coup, je le fais mécaniquement.
… Si, si, je vous assure que c’est possible, de bouder par habitude. La preuve.
Je suis également tellement susceptible, qu’à la moindre petite moquerie, je me vexe immédiatement. N’oubliez jamais que je suis aussi extrêmement rancunière. La moindre petite réflexion sera ancrée bien profond dans ma tête, et si vous ne vous excusez pas immédiatement, je ne vous pardonnerai pas de sitôt. Rajoutons à cela que je suis une fille hyperactive. J’arrête jamais de bouger, de sauter, de danser, de parler. Une vraie pipelette. Désolée, je sais que ça en devient vite agaçant, mais je suis comme ça !
Cependant, malgré ma susceptibilité, je suis plutôt sociable, et je pense avoir pas mal de conversation. Je ne pense pas passer pour quelqu’un d’inaccessible. On m’a beaucoup dit qu’il était agréable de parler avec moi car j’étais assez mature et joyeuse. Et apparemment, d’après ma sœur, mon talent pour la danse rattrape mon mauvais caractère.
Youpi.

« Un jour de plein hiver, une reine était assise à sa fenêtre encadrée de bois d'ébène et cousait. Tout en tirant l'aiguille, elle regardait voler les blancs flocons. Elle se piqua au doigt et trois gouttes de sang tombèrent sur la neige. Ce rouge sur ce blanc faisait si bel effet qu'elle se dit : « Si seulement j'avais un enfant aussi blanc que la neige, aussi rose que le sang, aussi noir que le bois de ma fenêtre ! » Peu de temps après, une fille lui naquit ; elle était blanche comme neige, rose comme sang et ses cheveux étaient noirs comme de l'ébène. On l'appela Blanche-Neige. »

Shiroyuki avait 6 ans quand sa mère était partie.
Cela faisait plusieurs mois qu’elle était perpétuellement en colère, Shiroyuki l’avait bien vu. Et malgré son jeune âge, elle savait que maman n’aimait plus papa. Parfois, elle lui lançait des trucs dessus. Genre des chaussures à talons – à talons compensés ! – ou encore un vase. Du coup, elle pouvait être sûre que maman détestait carrément papa. Mais elle pensait que ça s’arrangerait, comme un enfant s’accrochant à un rêve chimérique. Mais ça n’était pas passé. Au fil du temps, ses colères avaient empiré, et puis un jour, maman avait hurlé qu’elle partait. Et le lendemain, un homme plus jeune qu’elle l’avait embrassée sur le perron, pendant que papa était au travail, et ils étaient partis tous les deux dans la belle voiture rouge qui s’était garée devant le portail. Riku et Shiro avaient tout vu. Mais elles n’avaient rien dit à leur papa de cette petite mésaventure, ne comprenant pas encore très bien sa signification.
La seule chose qui était sûre, c’était que sa maman était partie.
Désormais, Shiroyuki la détestait pour cela. Elle se détestait également, ne cessant de faire le parallèle entre Blanche Neige et elle. Pour Blanche Neige, c’était sa belle-mère la méchante. Dans son cas, c’était sa mère. Elle était persuadée que tout cela était arrivé par la faute de sa naissance. Son père et sa sœur mirent près d’un an à la convaincre que non, à force de petites attentions, de petites remarques qui lui faisait réaliser à quel point la famille qui lui restait l’aimait et ne regrettait pas du tout sa venue au monde. Riku et Shiro étaient devenues les meilleures sœurs du monde, toujours collées l’une à l’autre, se confiant leurs plus grands secrets, jouant ensemble aux poupées… Shiro avait décidé de se mettre à la danse classique. Puis après un an, avait jeté l’éponge et choisit le hip hop.Blanche Neige était gracieuse, belle, sensible, chaleureuse. Blanche Neige aimait sans doute la danse classique. Shiroyuki voulait être tout le contraire, sans pour autant en devenir méchante et moche. La culture Kawaii de ses jeunes années laissa la place à un style plus porté sur la pop et le moderne. Elle adorait cette espèce de nouvelle liberté. Elle s’amusait plus comme cela.
A ses onze ans, son père leur annonça, à elle et sa sœur, qu’ils allaient déménager en Corée du Sud car il avait été muté. Dernière étape du projet « j’oublie maman », terminée ! « Dégager de la ville où elle m’a donnée naissance », fait.
Sur le coup, Shiroyuki avait explosé de joie. Mais bon, ç’avait été un peu tempéré par le fait qu’elle devait donc laisser toutes ses amies à Tokyo, qu’elle devrait recommencer dans un nouveau pays dont elle ne parlait pas la langue. Ainsi, durant le mois qui précéda le déménagement, les deux fillettes prirent des cours de soutien en Coréen.
Elle reprit les cours de danse, et testa en parallèle la gymnastique pendant trois ans. A quinze ans, elle avait une technique à la limite de l’excellent, dans un style assez peu commun, mêlant classique, acrobaties et moderne. Travaillant sa souplesse pour ne pas devenir raide comme un bâton, elle avait acquis à force d’entraînement un niveau plus qu’honorable. Shiroyuki avait également développé un caractère de cochon dû au travail qu’elle devait fournir pour avoir un bon niveau en cours – décidément, elle n’arriverait jamais à parler Coréen sans avoir un accent bizarre ! - , une sale manie de se mettre à bouder pour tout et n’importe quoi, mais surtout une joie de vivre inégalable. Elle avait également choisit sa destinée : elle serait danseuse. Une de ses amies l’avait orientée vers la Kirin Art School. Son père avait accepté sans difficulté le fait que sa fille se destinait à une carrière si aléatoire, et elle avait passé le reste de son temps à danser en attendant ses dix-sept ans, âge auquel elle pourrait enfin rentrer dans cette prestigieuse école.
Ah, les auditions… Un moment de stress que la jeune fille n’oublierait jamais. Elle portait le numéro 1289, si mes souvenirs sont bons, et elle avait passé plusieurs heures à se ronger les sangs en attendant son tour. Autour d’elle, tous les autres étaient en effervescence. Il y avait des garçons et des filles, tous d’à peu près son âge. Elle avait repéré parmi la foule un anglais, mais aussi deux japonaises avec qui elle avait échangé quelques mots. Il y avait un gars qui méditait, yeux fermés et tellement silencieux, que la jeune fille avait fini par croire qu’il s’était endormi… jusqu’à ce qu’il se lève comme si de rien n’était pour passer son audition. Tous étaient beaux, pas forcément magnifiques, mais ils dégageaient cette aura particulière qui fait dire aux gens « lui, il a la classe ». Shiroyuki ne savait pas si elle dégageait cette aura elle aussi, et avait peur de détonner. Elle avait la trouille de ne pas comprendre son numéro quand on l’appellerait, de rater son audition, de se ridiculiser…
Elle était tellement stressée que quand on l’appela, effectivement, elle ne réalisa pas que c’était à son tour. Elle ne se précipita vers la salle d’auditions que quelques secondes plus tard, quand un garçon à côté d’elle lui souffla que c’était elle la suivante.
En rentrant dans la pièce, elle tremblait de tous ses membres. Devant elle, cinq personnes. Le jury. Elle salua, son accent déjà perceptible se décuplant sous l’effet de la tension. Elle répondait aux premières questions en triturant ses mitaines.

« Mon nom est Shinomiya Shiroyuki, j’ai dix-sept ans ».

« Oui, je suis Japonaise d’origine. Non, je ne viens pas juste d’arriver, je vis ici depuis quelques années. »

« J’aimerais intégrer la section danse de l’Académie. »

Shiroyuki s’était habillée comme elle le faisait dans la vie de tous les jours, mais en faisant attention à choisir des vêtements pratiques pour danser. Son haut à col sans manches la serrait mais pas trop, et son treillis ne lui tombait pas sur les talons, il était pile à la bonne taille. La chanson qu’elle avait choisie pour présenter sa prestation était une des Mornings Musume, One Two Three. Et dès que la musique avait débuté, elle avait oublié tout son stress et dansait comme si c’était la dernière fois qu’elle pouvait le faire. Les paroles qu’elle avait à peu près mémorisées à force de s’entraîner sur cette chanson lui flottaient dans la tête, et elle réalisait à peine ce qu’elle était en train de faire. Elle savait juste qu’elle devait descendre en grand écart latéral. Basculer en facial. Passer sur l’autre latéral. Remonter. Sauter. Pirouette. Pont, pieds touchants ses mains. Reculer ses pieds, débuter une souplesse arrière de cette position. S’arrêter sur les mains, en ATR, et faire un grand écart latéral tête en bas, tout en se calant sur le rythme de la musique qui allait crescendo. Finir sa souplesse. Reprendre un peu de danse moderne. Deux pirouettes. Moderne, quelques mouvements de hip hop. Redescendre en latéral, facial, poser son ventre au sol, fermer les yeux, fin de la musique. Puis elle s’était relevée, un peu fière de sa prestation, et avait fixé les jurys. Au début, elle avait cru que l’expression sur leurs visages était de la déception ou de l’indifférence. Mais il n’en était rien. A la réflexion, ça ressemblait même plus à une expression étonnée mais satisfaite. Même si elle n’était pas la meilleure élève cette année-là, elle avait tout de même été acceptée sans hésitation.
Oui, oui, oui, elle allait devenir danseuse !
Bon, elle n’avait certes pas prévu que Kirin rencontrerait quelques… petites difficultés. Juste qu’à y a pas longtemps, c’était le paradis – presque, si on omet le fait qu’elle avait rencontré un bassiste cinglé et qu’elle avait failli se faire exploser le crâne par une autre timbrée. Sauf que le directeur était tombé malade, et qu’un tyran l’avait remplacé. Couvre-feu très tôt, forte compétition, insertion d’idoles qui allaient sans doute prendre ces pauvres étudiants de haut… C’était pas la joie. Shiroyuki ne savait pas trop comment réagir à ce brusque changement, mais faisait de son mieux pour progresser. Après, seul l’avenir nous dira comment ceci évoluera…