Park Phil Soon ~ To be or not to be just me, that is my question...

Lentement, il s'avança sur la petite scène improvisée dans la salle vide, avant de poser un genoux à terre. Un crâne en plastique gisait à ses pieds. Aucun spectateur n'était là. Il pouvait s'entraîner sans gêner la moindre personne.

Phil Soon est le fils d'une comédienne et actrice de seconde zone. Son père, mort il y a deux ans, était un riche médecin. Il a donc été instruit et éduqué comme il se devait. Poli, courtois, serviable, cultivé, sa bonne éducation trahit son passé de jeune riche, qu'il tente pourtant d'oublier, notamment en changeant radicalement de look. Plus précisément, en se décolorant les cheveux.

Les yeux fermés, il se remémora une dernière fois la longue réplique qu'il avait appris. Il la connaissait par cœur. Il avait passé toute la nuit à la mémoriser, à l'analyser, à comprendre quelles expressions faciales il devait prendre. La partie "théorie et analyse" était finie. Maintenant, il allait passer à la partie "pratique".

Phil Soon est également très perfectionniste. Peu importe ce qu'il entreprend, il voudra toujours faire au mieux. Ne pas se contenter du correct... Toujours donner son maximum afin que tout soit parfait... Ne pas pardonner la moindre erreur de sa part... De tout ce que son père lui a appris, ce sont les seuls points qui ont eu une grande influence sur lui.

Lentement, il prit une grande inspiration, puis rouvrit les yeux. Son regard avait changé. Ce n'était plus Phil Soon qui était debout face à un public invisible, mais le personnage qu'il devait jouer.

« - En voici un autre, dit-il en fixant le crâne. Et pourquoi ne serait-ce pas celui d'un homme de loi? Où sont-ils, maintenant, ses distinguos et ses arguties, ses procès et ses baux, ses finasseries ? Comment peut-il supporter que ce rustre grossier lui tape sur l'occiput avec sa pelle fangeuse ? Pourquoi ne le menace-t-il pas d'une action en justice, pour voies de fait ? »

Voilà l'endroit où le jeune homme est le plus à l'aise : sur scène. Jouer des rôles a toujours été sa plus grande passion. Qu'il doive jouer un homme, une femme, un enfant, un roi, un mendiant, un croyant ou un fou, Phil Soon prend toujours un grand plaisir à apprendre minutieusement ses répliques et à les lancer sur scènes avec les gestes et les expressions correspondantes. Il n'est jamais plus heureux que lorsqu'il joue sur scène en y mettant tout son cœur. Il adore ça. Il a tout simplement ça dans le sang.


Il prit le crâne dans une main, puis se redressa et continua.

« - Hum! Ce gaillard-là a peut-être été en son temps un grand acquéreur de terres, et tout affairé d'hypothèques, de reçus, de levées, de doubles garanties, de recours. Mais n'est-ce pas la fin de ses garanties, la levée de tous ses recours, que d'avoir sa fine caboche toute pleine de fine ord... »

Il se tut. Flûte. Il avait oublié le mot suivant. Lentement, il posa le crâne à sa place, laissa ses bras le long de son corps, et referma les yeux, se remémorant une nouvelle fois le texte entier. Ce n'était pas grave. Ce n'était qu'un premier essai. Il allait recommencer.

Comme son prénom peut l'indiquer, Phil Soon est aussi quelqu'un de calme, pacifique et sage. Très sage. Parfois même trop sage. Les bêtises, le laisser-aller, l'indécence, ce n'est vraiment pas son truc. Un rien peut le gêner.

Il recommença une nouvelle fois, quand il entendit un groupe approcher de la salle.Oh non... L'avaient-ils entendu ? Voulaient-ils venir ? Il espérait que non. Mais le doute ne lui était pas permis...
Ni une, ni deux, il prit le crâne et s'enfuit silencieusement de la salle par une autre porte.

Hélas, Phil Soon n'est pas à l'aise avec les autres. Il se sent toujours en trop avec d'autres élèves ou certains professeurs. Il est du genre solitaire, à préférer être seul. Seule la scène et le fait de jouer un rôle l'aide à rester sans déranger auprès de plusieurs personnes et face à un public.

Il avançait lentement dans les couloirs, rongé par le remord. Il s'en voulait de ne pas réussir à s'intégrer...

Mais ce n'est pas grave.

Il ferait des efforts.

Il en est sûr.

Phil Soon ouvrit pour la première fois les yeux sur ce monde le 30 mars 1996. Il était né d'une passion éphémère, de l'union entre un riche et célèbre médecin et une jeune actrice et comédienne de second ordre. Lors de sa naissance, ses deux parents ne s'aimaient déjà plus. Les deux voulaient choisir son prénom, les deux voulaient le garder. Après un long débat, il avait finalement été décidé que la mère choisirait le prénom et que le père prendrait sa charge. C'est ainsi que le bébé fut nommé Phil Soon, et partit vivre chez le médecin. Il n'eut plus de nouvelles de sa mère durant un long moment.
Certains se disent que vivre dans le luxe est une chance, et que ce doit être bien agréable. Il n'en est rien. L'enfance de Phil Soon ne se passa pas du tout comme un conte de fée. Sone père était dur, sévère, et semblait avoir un cœur de pierre. Il ne souhaitait qu'une chose : que skon fils marche dans ses pas et devienne, lui aussi, un grand médecin réputé. Phil Soon fut éduqué comme il se devait, et eut toute son enfance des cours particuliers afin de pouvoir rentrer dans les meilleures écoles de médecine possibles.
Malheureusement pour son père, ce n'était pas cette voix que son cœur avait choisi. Il était un être humain, après tout. Et comme tous les êtres humains, il avait une passion.
Cette passion, c'était le théâtre.
Les premiers livres que Phil Soon lut étaient des livres pour enfants parlant de pièces de théâtre très connues. Ces histoires attisèrent assez sa curiosité pour que, quelques quelques années plus tard, les livres pour enfants laissent place aux pièces de théâtres originales en tout genre. Il prenait un grand plaisir à redire ses répliques préférées des dizaines de fois, en changeant le ton, les gestes, les déplacements... Grâce à ses livres pour enfants et les couvertures des pièces, il s'imaginait les tenues et tentait de s'habiller de la même façon avec ses propres affaires. Son amusement devint peu à peu une passion, une part de couleur dans le monde gris et plat que lui construisait son père.
Vint alors le jour de ses treize ans.
La fête avait été semblable à toutes les autres fêtes auxquelles il avait participer. Beaucoup d'inconnus, aucune personne de son âge, pas un seul divertissement à son goût. Ennuyé et mal à l'aise dans cette foule, comme depuis toujours, il finit par aller se réfugier dans sa chambre. Et son père le rejoint bien vite. Ils eurent une conversation plate, jusqu'à-ce que le médecin demande à son fils ce qu'il voudrait faire plus tard. Le plus naturellement du monde, Phil Soon fit un grand sourire et répondit doucement :

« - Je veux être acteur comédien... »

S'il avait su qu'il se prendrait une belle gifle, il se serait abstenu...
Il tomba à terre, choqué de voir son père lever la main sur lui, alors que ce dernier lui offrait une volée d'injures, lui hurlant que c'était un travail de déchets, qu'il ne le laisserait pas finir comme sa mère, et qu'il ferait en sorte qu'il ait un travail respectable comme le sien. Il montrait son vrai visage. Un visage hideux, abominable, que son fils n'osait même plus regarder.
Une fois seul, Phil Soon se mit à pleurer. Pleurer de désespoir, pleurer de rage, pleurer de dégoût... Pleurer à cause de tous les sentiments qu'il ressentait envers son père.
Dès lors, il se mit à haïr cet homme qui ne l'avait gardé sous son aile que pour en faire quelqu'un comme lui. Il ne lui parlait plus, ne le regardait plus, ne souriait plus. Il restait froid et distant. La situation était telle qu'au bout d'un an, le médecin craqua et envoya son fils dans un lycée prestigieux de Séoul en tant que pensionnaire à temps plein.
Phil Soon passa trois ans de sa vie dans ce pensionnat. Malgré les interdictions de son père, il s'inscrit à l'option théâtrale de son école. C'est ainsi qu'il apprit à quoi ressemblait réellement une pièce jouée. La nuit, il étudiait et analysait toujours plus de pièces de théâtre venant des quatre coins du monde. Mal à l'aise avec les autres élèves à cause de son manque de contact avec d'autres jeunes gens par le passé, il était cependant très à l'aise en jouant des rôles. Sur scène, plus rien ne semblait le gêner.
Cependant, un drame arriva lors de ses dix-sept ans...
Alors qu'il était en cours, le directeur demanda à ce qu'on le fasse venir dans son bureau. Il avait le regard sombre, et cela ne rassurait pas Phil Soon. Inquiet, il a demandé ce qui n'allait pas. C'est alors que l'homme imposant lui montra un article sur un journal en lui disant un simple "Je suis désolé...".
Un crash d'hélicoptère.
Celui de son père.
Aucun survivant.
Aucun remord, aucun chagrin, aucune rage, aucune joie ne le traversa en lisant l'article. Seulement de la surprise. Puis plus rien. Seulement une sensation étrange de libération et un léger soulagement.
Il eut le droit de quitter les cours pour aller à l'enterrement de son père le lendemain. Il resta installé près d'une inconnue durant toute la cérémonie. Elle resta silencieuse, et ne verra pas une seule larme, comme lui. Mais, malgré sa gêne habituelle, Phil Soon ressentait autre chose en présence de cette femme. Comme une étrange douceur rassurante qui se propageait dans tout son corps.
Ce n'est que devant la tombe du médecin qu'elle osa prendre la parole.

« - Tu as bien grandi, Phil Soon... »

À ces mots, l'intéressé eu un déclic. Il se mit à trembler violemment.
Il avait compris qui était cette femme.

« - ... Mère... »

Un regard échangé.
Deux mains frôlées.
Puis ce fut le débordement de joie.
Les deux corps s'étreignirent fortement, les deux visages s'inondèrent de larmes. Mère et fils s'étaient enfin retrouvés...
Ce n'est qu'après plusieurs minutes d'étreintes que mère et fils se relâchèrent, avant de regarder la tombe...

« - Je ne veux pas devenir médecin... » murmura Phil Soon.

De nouveau, il regarda sa mère, un sourire tout doux sur le visage.

« - Je veux devenir acteur comédien... »

Le sourire qui étira les lèvres de sa mère fut comme une victoire pour lui.
Il était libre.
Enfin.
Deux années passèrent. Phil Soon avait rejoint la petite compagnie théâtrale de sa mère, le "Red Mill", juste après l'obtention de son bac, afin de continuer de faire ce qu'il aimait. Rapidement, il avait commencé à faire des recherches, afin de trouver une école spécialisée en art dans laquelle faire un apprentissage afin de vivre son rêve. Il avait finalement hérité de la fortune de son père, mais avait tout donné à sa mère, avec laquelle il vivait. Il s'était également décoloré les cheveux et avait désormais quelques percings aux oreilles, même s'il ne les portait pas toujours. C'était un moyen pour lui de profiter encore plus de sa liberté.
Le soir de ses dix-neuf ans, alors qu'il revenait de la compagnie un peu plus tard, Phil Soon vit un cadeau sur son lit. Il l'ouvrit, puis poussa un cri de joie, avant de descendre les escaliers à toute allure et d'aller se jeter dans les bras de sa mère.
Alors que des rires retentissaient au rez-de-chaussée, le paquet gisait toujours sur le lit, à moitié ouvert sur un dossier d'inscription pour la Kirin Art School.
Cette fois, la vie allait vraiment prendre un autre tournant...